EN CONVERSATION AVEC MULLER VAN SEVEREN

JUIN 2017


 
Mieux connu pour ses meubles inventifs et leur utilisation audacieuse des couleurs, le duo de designers belges Muller van Severen vivent et travaillent dans le village d’Evergem, tout près de Gand.

À côté de leur imposante maison familiale datant du 19e siècle se trouve leur studio, une ancienne orangerie rénovée en espace de travail moderne.  Nous avons rejoint Hannes van Severen et Fien Muller dans leur studio lumineux, empli d’une variété de pièces emblématiques, d’échantillons de couleurs bruts et de prototypes incomplets, pour en apprendre plus sur leur approche ludique et inattendue du design…
 


 

Votre approche du design de meubles est-elle influencée par votre cursus artistique?

Hannes : Notre passé en tant qu’artistes a été tellement important.  Nous avons commencé à faire de l’art il y a 10 ans…

Fien : Non, il y a 15 ans…

Hannes : Oui! Nous étions à la même école d’art – Fien créait des arrangements de nature morte modernes avec des objets trouvés, jouant avec les couleurs et les formes.  Je faisais des sculptures, comme l’escalier que vous pouvez voir dans le jardin.

 

Vous pratiquez toujours en tant qu’artistes?

Hannes : Pas de la même manière, mais nous ne considérons pas que notre nouvelle carrière en design est très loin de notre passé d’artistes.  Je suis satisfaite, car je vois la conception de meubles comme une forme de la sculpture : créer des prototypes à la main, c’est essentiellement de la sculpture.

Fien : Oui, et il s’agit également du même processus de travail.  C’est un médium différent, évidemment, et il faut également considérer la fonctionnalité de nos créations, mais les contraintes pratiques sont étonnamment libératrices.

Quelles sont vos influences?  De personnes ou des choses surprenantes?

Fien : Je dirais que la vie quotidienne a une influence majeure sur ce que nous faisons : nous trouvons beaucoup d’inspiration dans les petits détails de tous les jours.  J’admire plusieurs artistes, mais je n’ai pas d’idole en particulier.

Et quels sont vos designers favoris?  Nous avons remarqué que vous avez une chaise Jean Prouvé dans votre studio…

Hannes : Oui, j’admire plusieurs designers modernistes…

Fien : Et j’aime beaucoup Konstantin Grcic – son processus de réflexion et son regard sur les objets sont fascinants.

 

Les couleurs jouent clairement un rôle très important dans votre travail.  Comment choisissez-vous les palettes de couleurs que vous utilisez?

Fien : C’est quelque chose qui nous vient assez naturellement.  Ce n’est pas la dernière chose que nous considérons, mais nous commençons habituellement notre processus avec la forme et la fonctionnalité, puis nous considérons les couleurs.  Notre décision sur la couleur est toujours rapide et instinctive.

Hannes : Souvent, nous découvrons un type de matériel qui a déjà une couleur distincte, et ceci détermine les couleurs avec lesquelles nous le combinerons.  Et puisque nous recherchons une couleur en particulier, nous découvrons parfois de nouveaux matériaux.

Alors la couleur influence le matériel, et le matériel influence la couleur?

Fien : Exactement.

Hannes : Par exemple, l’un des premiers matériaux que nous avons utilisés pour les dessus de table et les étagères était le polyéthylène : il s’agit du matériel utilisé pour fabriquer les planches à découper en plastique des cuisines professionnelles.  Ce matériel n’est fabriqué qu’en cinq couleurs, car les planches sont utilisées pour certains aliments pour des raisons d’hygiène – les légumes sont coupés sur le vert…

Ah, et la viande sur le rouge…

Hannes : Oui, et le bleu est pour le poisson, et le jaune pour le poulet!

Fien : Donc nous avons commencé à les combiner.  Au tout début, c’était frustrant de n’avoir accès qu’à cinq couleurs, mais lorsque le choix est si limité, on est forcés à trouver d’autres combinaisons intéressantes.

Y a-t-il des couleurs que vous n’utiliseriez jamais?

Hannes : Violet!  J’ai aussi un problème avec l’orange parfois…

Fien : (rires) Je n’ai pas vraiment de problème avec une couleur en particulier, mais j’ai des goûts spécifiques quant aux combinaisons.  Le violet peut être très beau, mais pas nécessairement lorsqu’il est mélangé avec notre palette…

 

Et si nous retournons aux matériaux, en plus du polyéthylène industriel, vous utilisez beaucoup de marbre et d’autres types de matériaux.  Qu’est-ce qui inspire ces choix?

Hannes : Nous aimons les matériaux honnêtes, solides.  Nous n’aimons pas cacher les choses, nous préférons les matériaux dans leur forme originale.

Fien : Les gens pensent parfois que les planches à découper que nous avons produites sont des échantillons de matériel car elles ont une apparence brute, mais il s’agit du produit final!  Nous aimons ce type de simplicité.

Il y a un équilibre délicat dans votre travail entre produit fonctionnel et art décoratif.  Souhaitez-vous que les gens interagissent avec vos créations en tant que meubles ou sculptures?

Hannes : En tant que sculptures.  Mais il y a toujours un élément sculptural.  J’aime l’idée que quelqu’un pourrait créer une sorte de paysage avec nos pièces.

Fien : Évidemment les gens sont libres de voir nos œuvres comme ils le souhaitent, et nous entendons souvent qu’elles se trouvent entre l’art et le design.  Après tout, nous sommes des artistes travaillant dans le milieu du design, alors il faut s’y attendre.  Je comprends pourquoi nos pièces sont perçues comme des sculptures, mais j’espère que les gens qui les ont dans leurs maisons les considèrent comme des objets honnêtes et utiles plutôt que quelque chose entre les deux.

Comment vous assurez-vous que vos créations plus ludiques et artistiques restent à l’intérieur des limites de la fonctionnalité?

Hannes : Nous recherchons toujours un équilibre entre confort et forme.  C’est la partie la plus difficile dans la conception d’une chaise.  Il faut prendre en considération le corps d’une manière très différente que dans le cas d’une table ou d’une étagère, pour lesquels il est possible de faire à peu près n’importe quoi.  Plusieurs personnes voient nos chaises et pense « ah, ça n’a pas l’air très confortable », mais lorsqu’ils s’y assoient…

Fien : Ils dissent « C’est bien!  On peut vraiment l’utiliser. » Et nous leur disons « bien sûr! » – c’est très important pour nous d’achever ce résultat.  Sinon nous serions restés des artistes individuels.

Croyez-vous que le fait de travailler ensemble vous a inspiré à créer des meubles pouvant être partagés? Par exemple, vos chaises sont conçues pour deux.

Hannes : Oui, mais je crois aussi que combiner deux choses provient du désir de créer quelque chose de plus sculptural, avec plus de dimension, plus d’espace.

Fien : Je ne pense pas qu’il s’agissait à l’origine d’un objectif délibéré, mais le fait de travailler ensemble a probablement influencé cette dualité.  Nous avons également participé à une exposition nommée Future Primitives en 2012 qui nous demandais de réfléchir sur le style de vie que nous aurons dans le future.  Nous suggérions que nous vivrons dans de plus petits espaces, et qu’il faudra donc considérer combiner plusieurs fonctions dans le même meuble.

 

Ah, donc l’idée de vouloir sauver de l’espace de manière pratique vous inspire aussi?

Fien : Oui!

Hannes : Mais pas de manière rigide et absolue – nous sommes définitivement des designers émotionnels, pas des designers industriels.

Fien : Nous devrions vous raconter l’histoire derrière l’une de nos toutes premières créations…C’était pour notre première exposition en tant que Muller van Severen, tenue à la galerie de Valerie Traans à Antwerpen qui se spécialise en art et design.  À l’époque, nous étions dans le processus de rénover notre maison et faisions face à plusieurs problèmes avec le filage électrique dans le plafond, et nous avions absolument besoin d’éclairage vertical.  C’est ce qui a inspiré notre table avec éclairage vertical intégré – ça fonctionnait très bien pour l’expo et consistait en une solution pratique pour la maison.

Et cette histoire explique très bien l’influence qu’a la vie quotidienne sur vos créations.  Une fois le « problème » identifié, est-ce que votre processus créatif est plutôt spontané et improvisé? Ou préférez-vous tout planifier?

Hannes : C’est définitivement planifié.  L’un d’entre  nous commence à dessiner, puis l’autre se dit « ah oui… »

Fien : Puis la pièce est née!  Nous aimons commencer la construction presqu’immédiatement après avoir complété le dessin; nous aimons avoir quelque chose en trois dimensions, observer les vraies proportions, comment le corps se sent lors de l’utilisation, etc.  Nous sommes des fabricants.  Nous souhaitons être dans le studio, créer avec nos mains et construire des choses intéressantes.

Je vois la conception de meubles comme une forme de
sculpture : créer des prototypes à la main, c’est essentiellement de la sculpture.

– Hannes van Severen

Vous avez déjà dit que votre objectif est de créer des objets intemporels.  Qu’est-ce que l’intemporalité signifie pour vous?

Fien : Je pense que c’est important de créer quelque chose qui, dans 100 ans, ne sera pas facilement identifié comme provenant des années 80 ou 90.  Je ne dirais pas que notre travail est intemporel, on peut voir que ça provient d’une certaine période, mais c’est impression d’intemporalité est quelque chose que nous recherchons constamment à créer.

Intéressant, c’est la même chose pour COS.  Nous essayons de créer des designs qui durent à travers les saisons, plutôt que suivant les dernières tendances…

Hannes : Exactement, nous ne travaillons pas avec les toutes dernières tendances en tête.  Nous pensons parfois « ah non, cette couleur fait partie de la tendance du moment », alors nous ne l’utilisons pas.

La Belgique a une longue histoire en tant que centre pour les arts et le design, et plusieurs studios créatifs importants y sont basés.  Croyez-vous que le design belge a une identité précise?  Est-ce que ceci vous influence?

Fien : Je ne suis pas certain qu’il existe un style belge spécifique, mais je crois que les créateurs belges – et les Belges en général – sont plutôt modestes.  Nous aimons être plutôt terre-à-terre.  Je crois que même si vivions ailleurs, par exemple au Mexique, nous créerions les mêmes œuvres.  Je le pense vraiment.

 

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